Swans Commentary » swans.com 9 Août 2010  

 


 

 

Swans en français

 

Aphrodisiaque
 

 

Marie Rennard

 

 

 

 

(Swans - 9 Août 2010)  

Dès l'antiquité -- et très probablement avant -- les hommes, peu enclins à badiner sur le sujet de leur virilité, se sont appliqués à recenser les plantes et substances susceptibles de les soustraire à l'indocile liberté de ce membre qui, écrivait Montaigne (Essais, Livre XX, La Force de l'Imagination.) s'ingère si importunément lorsque nous n'en avons que faire, et défaille si importunément lorsque nous en avons le plus à faire.

On trouve, dans l'Histoire Naturelle de Pline, une liste importante de préparations aphrodisiaques à base d'asperges sauvages, de chardons, de roquette (herba salax) ou d'orchidée, (du Grec Orchis, testicule, à cause de la forme de ses racines) toutes recettes que l'on retrouve de nos jours, à peine modifiées, dans les pages culinaires des magazines féminins. Pline, comme Démocrite, qui conseille le raifort et le bouillon de baudroie (qu'il nomme grenouille), s'en tiennent essentiellement, dans leurs prescriptions aphrodisiaques, aux herbes de courtoisie.

Il ne manque cependant pas de recettes plus fantaisistes, comme celle de Lucius Sextius (homme politique romain, défenseur des plébéiens), qui, à peu près à la même époque, recommandait la salamandre conservée dans du miel après qu'on lui eût ôté les intestins, la tête et les pattes.

On le voit, certaines recettes sont plus engageantes que d'autres et personne n'échangerait aujourd'hui une pilule de viagra contre des dragées d'hercule bourrées de cantharide, de camphre ou de phosphore, toutes substances mortelles que, malgré tout, les hommes ont avalées pendant des siècles pour tirer leurs organes génitaux de l'atonie où le plongeaient l'âge, la maladie ou une nature indolente.

L'usage, fréquent dans les siècles passés, de ces trois substances, et surtout la cantharide, a fait un nombre conséquent de victimes -- pas toujours consentantes. Combien de fines mouches ont ainsi empoisonné, sous couvert de réveiller leur ardeur au déduit, leurs maris obsolètes ?

Les médecins, au nombre desquels Ambroise Paré, n'ont pourtant jamais manqué de mettre en garde leurs patients contre les effets vésicatoires de ces insectes, dont l'absorbtion provoque « une action vive et prompte sur l'organisation : elles réveillent vivement et promptement l'appétit génésique, cela n'est que trop vrai, mais les effets que ces insectes produisent ... se manifestent aussi avec une intensité encore plus grande sur les membranes internes de l'estomac. De plus ce n'est pas seulement l'estomac qui s'affecte de leur usage, et la vessie y participe avec une violence telle que jamais rétention d'urine ne détermina une plus violente irritation. Voilà pour les premiers effets de l'ingestion des cantharides. A la suite viennent les perforations de l'estomac, les ulcères de tout le canal intestinal, la dysenterie, le flux de sang et la mort au milieu des plus terribles angoisses » (physiologie de l'espèce, histoire de la génération de l'homme ; Caux, 1837).

Sans doute ces substances, réservées aux gens fortunés, peuvent-elles -- employées à la bonne dose, produire les effets désirés. Nombre d'ouvrages de médecine du 17 et 18ème siècle proposent des tisanes de racine de ginseng (dont l'exportation a longtemps été interdite en Chine) à la dose d'un scrupule (1/80ème d'once. Curieusement, le scrupule est dans ce sens synonyme de soupçon. Nous n'avons pas retrouvé la valeur du gros.) à un gros par tasse, des potions d'ambre gris, ou des liqueurs excitantes constituées de racines de zédoaires, d'écorces de cascarille, d'alcool rectifié et d'eau pure (Hygiène et physiologie du mariage, Debay, 1859). Mais ces produits sont réservés à une élite. Le peuple se contente de recettes moins onéreuses : potages de vulve de truie, d'utérus de hyène, priape de cerf ou de loup, et en règle générale toute préparation à base de testicules d'animaux salaces, sont censés redonner vigueur aux vits les plus débiles.

Les aphrodisiaques internes ne sont d'ailleurs pas les seuls qui fassent l'objet d'une véritable littérature. Les traités abondent prônant les vertus de la flagellation, connues des romains qui en usaient pour rebondir au cours de leurs épuisantes orgies - ainsi que de la confrérie du cordon de Saint François (Thérèse Philosophe, 1748, anonyme), et recommandée par Debay en 1859 dans son Hygiène du mariage.

Nous conclurons pourtant en revenant aux pouvoirs de l'imagination chers à Montaigne, et en les préférant aux potions pour réveiller des sens engourdis : musique, lecture, gastronomie - quitte à tâter des verges, à l'occasion, entre les truffes chères à Brillat-Savarin (qui les tenait pour rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables) et le caviar, qui signifie en persan le pain des amants.

 

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Published August 9, 2010



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